Eira fixait la porte fermée un long moment après que Rociel l’eut passée. Elle flottait au milieu de la cuisine, jambes croisées sous elle, ses coudes calés sur ses genoux, le visage dans ses mains, illuminé par un sourire ravi. Elle s’était vraiment bien amusée, ce matin. Mis à part la pâte à tarte, ratée à cause de Clyde, la journée avait bien commencé. Elle repensa à Merediana, ce qui chassa le sourire de ses lèvres. Elle était inquiète pour son amie qu’elle trouvait bizarre depuis quelques temps, et elle ne pensait pas se tromper en affirmant que Clyde aussi se doutait de quelque chose. Il avait d’une certaine façon confirmé ses soupçons en lui demandant de distraire Merry pour qu’elle ne s’endorme pas. Son sommeil était de plus en plus agité, depuis quelques jours, et Eira n’aimait pas vraiment ça. La dernière fois que Merediana avait eu ce genre de crises, ça avait mal fini…
La jeune cuisinière se dirigea vers la bouteille de saké, en avala une rasade, sortit des cuisines, et y pénétra de nouveau une vingtaine de minutes plus tard, après une douche glacée, vêtue d’une fine robe en mousseline bordeaux qui s’arrêtait 30 bons centimètres au dessus des genoux, avec un décolleté plongeant, attachée derrière son cou par un fin ruban de soie, exhibant ainsi une bonne partie de son dos ; sa robe favorite pour affronter les brûlantes journées estivales. Elle s’approcha de la baie vitrée ouverte, et s’appuya au chambranle, yeux clos, respirant le parfum de pêches et de jasmin qui flottait dans l’air encore frais du matin, parmi d’autres senteurs typiques de l’été. Ce n’était pas la saison favorite d’Eira qui ne supportait pas vraiment la chaleur, mais elle aimait sentir toutes ces odeurs, ça l’inspirait et lui donnait envie d’essayer de nouvelles recettes. Emplissant une dernière fois ses poumons, elle fit volte-face, noua ses cheveux encore humides en queue de cheval au sommet de son crâne, et ouvrit les placards pour préparer une autre pâte brisée pour ses tartes.